Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lagl Land
13 mars 2012

Sport et politique : un couple illégitime ?

Le sport, témoin perpétuel (et interactif) de l’Histoire a tout traversé, tout vu et tout entendu. Ce ne devrait être qu'un secret de polichinelle : la politique et le sport font partie du même bateau. De leur rencontre est née une longue et chaotique passion, feuilleton à rebondissements ; attirance de l'une, répulsion de l'autre : le sport renâcle à admettre son rôle de faire-valoir. Au-delà des discours naïfs et hypocrites, ou d'un manque manifeste de recul, il s’agit d'enfoncer une porte ouverte : le sport est intrinsèquement, par son essence et comme tout autre phénomène social un objet politique.

Au lendemain du 11 septembre 2001, le journal L'Equipe titre : « Nantes du bon pied ». Rapport à l'excellente performance des Canaris face au PSV Eindhoven, 4 buts à 1. Les journaux des Etats Unis, pays peu initié aux joies du ballon rond, poussent l'obscurantisme jusqu'à propulser en Une les incidents matinaux du World Trade Center. Cet oubli du plus grand quotidien sportif français n'est pas sans raison : le monde merveilleux des sportifs est un archipel autarcique, au destin isolé. Dans cette utopie les courageux athlètes, purs et probes, n’ont d’autres buts que celui de l’exploit. Leurs médailles épanchent pour un temps leur soif inextinguible de compétition. Rien ne pourrait les écarter de cette voie sacrée, les perturber dans leur impénétrable dessein. Tout porte à croire que leur réalité n’est pas la nôtre. Comment imaginer dès lors que ces demi-dieux puissent avoir, de près ou de loin, un rapport quelconque à nos prosaïques préoccupations ? Mais bien sûr que le sport n’est pas souillé par la politique des mortels, quelle aberration ! Enfin jadis, peut–être, d'accord. Le régime Mussolinien, les nageuses Est-Allemandes, le drame de Munich en 1972. Mais plus maintenant, voyons, nous sommes en démocratie.Le sport est une fête.

La politique dans la peau

Soyons sérieux. La politique, dame mure et maligne rompue à tous les opportunismes a en fait rencontré il y a bien longtemps le sport, bel Apollon un peu vert, un brin idiot. Bien malgré lui, le candide ne parvient pas à s'émanciper de son emprise. Par nature le sport dépasse sa simple dimension ludique. Destiné à divertir (ou à canaliser), le sport contient en lui-même la notion de compétition depuis son antique naissance, qui voit les cités grecques s'affronter dans des stades. Sa diffusion et son institutionnalisation au 19e siècle relèvent de l'impérialisme culturel et idéologique. Le sport est une construction Européenne. Les états-nations se réunissent dès 1896 lors des Jeux Olympiques modernes, véritable microcosme international en soi. Déjà les champions deviennent les ambassadeurs de leur pays. Ainsi il n'est pas fortuit que les athlètes arborent les emblèmes nationaux, ou entonnent les hymnes de leur chère patrie. Une propension portée par une presse souvent explicitement chauvine. « Allez France ! » est un mantra décomplexé dans la bouche même des hérauts de l'objectivité. Rien de grave, c'est du sport. Et puis, c’est sympa, on chante la Marseillaise dans un moment de ferveur collective, de partage. N'y voyez rien de politique. L'accès à l'équipe nationale n'est pas l'adoubement sportif d'une belle carrière ; il porte la marque de la représentation nationale. L'identité, voilà une clé dont on ne peut se passer : qu'il le veuille ou non, le sportif devient l'émissaire d'une ville, d'un pays, d'une classe sociale. D'où les passions, d'où les pressions, les hontes et les fiertés. Dans ce contexte, le sport est aussi un affrontement. Il est la guerre allégorique. « Tactique », « combat », « adversaires », « conquête », « camp », « capitaine », « siège ». La métaphore militaire se file à l'infini. Le sport est une affaire d'hommes, de vrais. Les tenniswomen de Wimbledon n'ont qu'à bien repasser leurs jupes. Alors, les dénégateurs du sport guerrier répondent qu'il est pacifique. Certes, il n'est qu'une mise en scène apaisante de rapports conflictuels, et ne fait pas de morts. Pas directement, en tout cas.

Un véhicule idéologique

Tout comme son rapport à l'Histoire est tautologique, l'étroite corrélation qui lie la pratique sportive à la société coule de source. Comme toute construction sociale, le sport contient donc la société qui l'a créé. On en trouve l’empreinte dans sa pratique même. Ainsi, les anglo-saxons protestants pratiquent un football offensif, fondé sur l'initiative individuelle, porté par le « Fighting Spirit ». En Asie orientale, on verra plus une équipe d'anonymes, bien structurée autour d'une stratégie de l'abnégation. Personne ne sort du rang. Le « Li » confucianiste, rite structurant où chaque membre de la société tient sa place, n'est pas loin. Et si la société est dans le sport, celui-ci est aussi le lieu de tous ses clivages. Les Noirs américains se sont approprié le basket dès qu'ils ont pu y accéder. Aux noirs toujours le sprint. Aux blancs le ski et le golf. Il en est de même pour l’échiquier social (le football aux classes populaires, le tennis aux gens aisés) voire encore pour les distinctions partisanes (le rugby serait conservateur). Dès lors qu'il s'inscrit dans un temps et un espace, le sport devient dépositaire de valeurs. Il est une banderole, un drapeau brandi, qui exacerbe et cultive la violence des antagonismes. La fièvre du hooliganisme, exemple poussé à son paroxysme, ne fait que le confirmer. Le « derby » fait figure de parfait exemple. Le match qui oppose les Celtic et les Rangers de la ville de Glasgow illustre à lui seul les rapports houleux entre protestants et catholiques. Le « clasico » Real Madrid – Barcelone est chargé historiquement. Deux Espagne s’affrontent. La royale, castillane et centraliste contre la catalane autonomiste. Les exemples sont innombrables. Et l’existence des « Spartak » et des « Etoile Rouge » dans le bloc de l’Est sont un symptôme.

Les liaisons dangereuses.

Parce que le sport est au centre de toutes les attentions, parce qu'il est « l'opium » du peuple qui a relégué la religion loin derrière lui, les politiques ont rapidement compris qu'il fallait l'investir. En dehors des histoires d’influence, de lobbying et de gros sous (le format capitalistique des entreprises sportives se prêtent parfaitement à l’usage du pouvoir économique) l’utilisation du sport en politique est rentable. Jacques Chirac, qui a profité de l’effet 1998, ne dira pas le contraire. Pas plus que Nicolas Sarkozy, joggeur et cycliste invétéré, passionné de Grande Boucle. Sous les régimes totalitaires le sport-propagande, vitrine de la nation, a atteint son apogée. Son instrumentalisation est néanmoins devenue plus soft : à l’image de l’évolution de la politique, elle réside avant tout dans une démarche de communication. Le politicien commente, pronostique, s’affiche. Berlusconi l’a bien compris : tandis qu’il s’installait dans le paysage médiatique Italien, il achetait le prestigieux Milan AC. Une tribune de plus. A contrario, il est désormais courant de voir les sportifs s’engager en politique. Les Simon, Peizerat, Laporte, Douillet, Drut ou Lamour tranchent avec l’antique militantisme des années 60-70, qui voyait des sportifs contestataires, prosélytes, mais en dehors des partis. Il reste qu'il ne faut pas intégralement déplorer intégralement les rapports ambigus qu'entretiennent sport et politique. Sans cette valeur ajoutée, dramatique et symbolique, que serait advenue la finale de Lake Placid au cours de laquelle les hockeyeurs américains ont héroïquement vaincu l'ogre soviétique ? Au demeurant, une simple performance inattendue. Un « miracle sur glace ». Les Cuba–USA en base-ball deviendraient un simple derby local. En d’autres termes, c’est en partie pour sa portée politique que le sport, autant dramatisé, tient une place si importante dans nos vies. Et comme le disait Bill Shankly, à propos du football le sport « n’est pas une question de vie ou de mort. C’est bien plus que ça »

Publicité
Publicité
Commentaires
Lagl Land
  • Je suis une bande de jeunes, à moi tout seul, je suis une bande de jeunes : Jeum Fenlagl. Homme pressé de ne rien faire ; oppressé de la procrastination. Qui veut de moi et des miettes de mon cerveau ? Qui veut entrer dans la toile de mon réseau ?
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Lagl Land
Publicité